Agilité émotionnelle : se déshameçonner de son discours interne
Deux façons d'être hameçonné à son bavardage interne
La majorité de nos pensées n’est pas constituée de faits, mais d’évaluations et de jugements, entrelacés avec des émotions. Notre flux intérieur de pensées peut être positif ou négatif, et comprend le doute, la critique et la peur. Ce processus fait partie de notre biologie élémentaire et nous sert pour agir : en anticipant l’action, en trouvant des solutions et en évitant les dangers. Comme ce flux est inévitable, il peut être intéressant de regarder de quelle façon nous pouvons être hameçonnés à notre bavardage interne. Il y a 2 façons d’être hameçonnés, suivant que l’on adhère ou non à ses pensées et sentiments négatifs.
Dans le premier cas, si vous y adhérez, vous allez les considérer comme des faits et probablement éviter les contextes qui vous les rappellent (exemple : si vous avez une mauvaise estime de vous-même, jugements négatifs à votre égard, vous n’allez pas vous attaquer à de nouveaux défis). La stratégie est l’éviction. Dans le deuxième cas, si vous êtes dans la remise en cause de vos pensées et émotions, c’est-à-dire que vous n’y adhérez pas (c’est souvent le cas quand vous accordez davantage de crédit aux pensées et jugements des autres), alors vous allez vous dire « Je ne devrai pas penser ceci, je ne devrai pas ressentir cela… », et il est probable qu’il y ait certaines situations dans lesquelles vous entrez ou vous restez, alimentant la répétition, sans vérifier si ces situations vont à l’encontre de vos valeurs par exemple, ou de vos objectifs fondamentaux.
Dans les deux cas, le discours interne en spirale négative sape d’importantes ressources cognitives, et le minimiser ou l’ignorer ne sert qu’à l’amplifier. Comment en sortir ? Je vous propose une façon de les aborder de manière attentive et productive.
Déployer son agilité émotionnelle : 4 moments clés
Quand on essaie de minimiser ou d’ignorer nos émotions ou pensées négatives, on les amplifie. Parce que dans cette action, de mettre à l’écart ou de taire, on essaie de réduire au silence des parts fondamentales de sa personnalité. Au contraire, quand on apprend à être à l’aise avec l’entièreté de qui on est, on est moins proie au stress, plus attentifs, plus créatifs, plus ouvert à l’apprentissage, et plus souple dans la recherche de stratégie quant à la résolution de problèmes.
Se connaître et se comprendre permet de se libérer de l’affect. Cela passe par déployer son agilité émotionnelle.
1) La première étape est d’IDENTIFIER le contexte : identifier les situations, les moments où vous êtes hameçonnés par vos pensées et émotions négatives. Quels sont ces moments ? Les signes qui vous révèlent que vous êtes hameçonnés sont la rigidité dans la façon de pensée et la répétition. Un peu comme un disque rayé qui répète toujours les mêmes messages. Cherchez les redondances ! Une autre façon de voir les répétitions est de sentir que l’histoire que vous vous racontez semble vieille (une accumulation d’expériences passées qui peuvent remonter à très tôt dans votre vie, un discours familier).
2) La deuxième étape est de CLARIFIER/PRÉCISER/NOMMER vos pensées et vos émotions. Quand on laisse le bavardage interne prendre le dessus, il n’y a plus de place pour l’analyse. Pour réfléchir de façon plus objective, vous pouvez simplement porter votre attention sur ce discours interne et le nommer. En prenant acte au présent : « tiens, dans cette situation je me raconte ceci, je ressens cela… », en qualifiant les choses, vous allez voir que les pensées et les sentiments sont des sources d’information en transit. En vous y exerçant, vous prenez une distance symbolique : il y a l’observateur (vous) et ce que vous observez (pensées, ressentis). Ce n’est pas une mise à l’écart, il s’agit plus d’une distinction dans l’objectif de mieux voir. Ça va vous faire gagner en clarté, et peut-être accéder à plus de profondeur (certaines émotions en masquent d’autres, certaines pensées détournent l’attention de problèmes sous-jacents). C’est ce qu’on appelle la métaposition et c’est avec cet outil que je travaille le plus en thérapie.
3) Après ces étapes d’identification et de clarification, la troisième étape est le contraire du contrôle, c’est-à-dire une ATTITUDE OUVERTE, qui fait appel à la compassion à son égard. Il s’agit de prêter attention à son intériorité (offrir de sa présence à soi-même) et de s’autoriser à ressentir (se donner le droit). Cela peut soulager, sans forcément aller jusqu’à se se sentir bien. Peut-être même que vous réaliserez à quel point vous êtes contrarié. Le principal est déjà de se rendre compte que ce que vous ressentez est un signal de quelque chose d’important qui est en jeu, quelque chose qui compte à vos yeux. La CNV est par exemple un excellent outil pour faire le pont entre observations/ressentis et besoins fondamentaux.
4) La dernière étape est de déterminer une ACTION EN COHERENCE avec ses valeurs (règle du Plus Petit Pas Possible en direction de ses élans). Les valeurs sont la hiérarchisation de nos besoins fondamentaux. En identifiant son intention et en se reliant à son aspiration profonde (les valeurs sont des mots souvent abstraits, généraux), alors nous disposons d’une boussole capable de s’orienter avec plus de justesse dans la diversité des choix. Ce pouvoir fait gagner en confiance aussi, car en contactant sa source de motivation interne, nous sommes moins sensible au regard d’autrui et à la comparaison.
L’agilité émotionnelle se travaille. Paradoxalement, en devenant plus attentifs à nos ressentis, nous gagnons en lucidité et en marge de manœuvre, nous sommes moins prisonniers d’un affect qui se jouait simplement à notre insu.