Développement personnel : amour de Soi
1. L'amour de Soi
Quel regard portez vous sur chacun de ceux que vous avez été dans votre vie ?
Nous pouvons aimer des « choses » : actions, objets, résultats, domaines de connaissance. Et nous pouvons surtout apprendre à aimer l’être humain qui applique, met en œuvre, vit.
Distinguer le quelque chose du quelqu’un nous rend notre juste place et sentiment de légitimité d’être au monde.
Nous disposons malheureusement de peu de nuances de vocabulaire pour parler du fait “d’aimer”, de l’amour.
La proposition à travers cet article est d’apprendre à différencier l’amour de soi avec le fait d’avoir de l’ego. Ce sont deux choses différentes, bien qu’elles aient un lien que nous allons explorer. Le risque quand nous les confondons, c’est que nous pensons qu’apprendre à s’aimer, c’est réussir à s’estimer.
2. Confusion avec l'ego
Si nous sommes quelqu’un à l’aise avec le Faire, à calquer l’appréciation de nous-même sur l’action et leurs résultats, alors nous confondrons amour et estime, et nous développerons cette dernière sans forcément instaurer une assise intérieure. La quête pourrait être de chercher à améliorer cette estime à travers les choses du monde évaluable, hiérarchisable, moral, etc. Ce mouvement, conscient ou inconscient, prend soin de l’égo (utile, mais clivant avec le monde et soi dès lors qu’il prend une trop grande place). Le champ de l’estime ne nous enseigne pas l’accueil de l’entièreté de qui nous sommes : seulement de l’image que nous cherchons à nous renvoyer. Elle ne permet pas forcément l’ouverture à soi-même lorsque l’image ne nous plait pas. Elle est une « amorce » vers l’amour de soi en ce sens qu’elle pointe les zones vulnérables, mais si elle les met en évidence, nous avons ensuite besoin de l’amour pour rétablir une intégrité.
Si nous sommes quelqu’un, à l’inverse, plutôt horripilé par l’ego (indicateur d’un surmoi très présent, modérateur de la vie en groupe), la tentation est alors de rentrer dans la négation de soi-même. C’est-à-dire que nous allons agir depuis un espace (ou pas agir, se faire petit, se soumettre), où nous n’occupons pas notre propre place ontologique.
Comment remédier à ces deux très courants cas de figure ?
3. sortir de la crainte de l'ego
3.1. Quand l'ego gouverne
Quand nous sommes dans l’ego, c’est à dire que notre identité se construit sur nos accomplissements, il y a à entendre que l’amour, la bienveillance et la compassion envers soi démarrent là où s’arrête l’estime de soi.
Apprécier ce qui a marché, ce qui a donné des résultats, mais sans se voir pour qui nous sommes (non réductible à ce que nous faisons uniquement) nourrit une image. Et risque de nous faire courir pour du « toujours plus ». C’est ce que nous trouvons par exemple dans l’admiration. Mais l’admiration n’est pas l’amour. Nous pouvons facilement percevoir la différence entre être aimé et être admiré. Dans l’amour il n’y a pas besoin de jouer du paraitre pour avoir grâce aux yeux d’autrui. Dans l’admiration, si : il y a intérêt à préserver l’image pour préserver un lien. Et quand l’image s’effondre, le sentiment est alors qu’il n’y a plus personne (surgit alors un vide).
L’amour de soi se déploie au fur et à mesure que nous inscrivons en nous le bonheur que nous suscitons chez autrui par notre simple présence. C’est-à-dire indépendamment des actions. Si ce fondement de vie manque (plusieurs causes peuvent en être à l’origine : histoire personnelle, familiale, traumas), alors l’accompagnement thérapeutique permet de restaurer l’assise intérieure là où elle s’est effondrée. Gouter la PRÉSENCE, c’est faire l’expérience d’un espace où nous sommes heureux de nous sentir exister. En présence d’autrui s’instaure une boucle vertueuse et nourrit chacun sans priver l’autre.
Dans le cheminement vers l’amour de soi, nous pouvons apprendre à aimer ce que nous ne trouvons pas aimable en soi : les parts de soi blessées, là où nous avons honte, là où nous nous sentons vulnérables, là où on aimerions nous « défaire de », là où nous jugeons du « socialement pas acceptable ». A chacun de ces endroits se trouvent des opportunités de sortir d’un jugement (tenaillant, énergivore) et d’entrer dans l’amour (liberté, vitalité). Cela ne nous fait pas sortir du Faire, cela nous permet de Faire depuis un espace plus ENTIER. Et cela va nous permettre de sélectionner plus lucidement des actions alignées avec notre profondeur, plutôt que des compensations. Les compensations ne nourrissent pas, elles sont des leurres : une impression de satisfaction dans l’instant, mais non durables. Nous sentons qu’une action est une compensation dès lors qu’elle nous laisse proie à un vide lorsque nous l’arrêtons, et dégrade la confiance en soi. Une action qui n’est pas issue d’une compensation, même quand l’expérience s’arrête, nous laisse rassasiés. Un sentiment de plénitude s’inscrit en nous et continue de nous nourrir, en soutenant et déployant la confiance en soi.
C’est un peu comme si l’amour ne se racontait pas d’histoires, mais pouvait voir et embrasser la réalité telle qu’elle est.
3.2. Quand la négation de Soi l'emporte
Quand au contraire nous nous trouvons dans une attitude de négation de soi, il y a à se rappeler que pour accomplir des choses qui ont du sens, et pour offrir de l’amour, il y a à exister en tant que SOURCE au préalable. Cette posture de négation peut découler d’une confusion entre individualisme et individuation, ou être le fruit de blessures émotionnelles et traumatismes qui nous protègent d’une entrée dans le monde.
L’individualisme (ne penser qu’à soi et pas à l’autre) est différent de l’individuation : confirmer sa place ET de celle de chacun. Dans l’individualisme, oui nous développons l’ego : des actions depuis l’espace du MOI, qui cherchent le profit (parfois au détriment de l’autre). L’autre est soit une menace, soit une opportunité de transaction, soit n’existe pas. Un fonctionnement qui ne bâtit pas de résonnances harmonieuses mais plutôt des tensions entre les individus. Cela peut expliquer une réticence à occuper une place si elle menace celle des autres.
Les blessures émotionnelles et événements traumatiques pour le corps sont également des raisons à l’origine de la négation de soi. En nous s’est inscrit un plus grand avantage à se faire discret, à s’effacer, plutôt que d’être vus. L’ennui est que le clivage de protection envers l’adversité nous rend également imperméable à ce qui devrait nous nourrir (la chaleur humaine, la proximité, la connivence…). Coupé de soi et de ce qui nourrit sa vitalité, l’asphyxie existentielle peut discrètement aboutir sur un véritable effondrement intérieur. La déprime et la dépression peuvent être accompagnée vers des remédiations pour restaurer la sécurité, la circulation de la vitalité et l’ouverture à la vie.
4. De l'illusion vers l'amour authentique
Les techniques de développement personnel, lorsqu’elles sont mal comprises, risquent de nous faire agir depuis un espace de survie (le moi, le faire, l’avoir) plutôt que de vie (le soi, l’être, une posture de présence). Les deux ont un rôle essentiel, mais notre santé mentale dépend d’un juste équilibre.
Aller à la rencontre de soi demande du courage. Quand nous n’arrivons pas à le faire seul, il peut être bon de se faire accompagner par un professionnel de la santé ou de la relation d’aide.
Nous ne sommes pas sur Terre uniquement pour ne pas disparaitre (survie et perpétuation de l’espère). Nous sommes aussi là pour vivre, et cela passe par sentir la vie en soi, en l’autre, tout autour de nous.
Bourdieu disait : “Je préfère me débarrasser de faux enchantements pour m’émerveiller de vrais miracles.”
Pour oser l’amour de soi, il y a à oser les ambivalences : découvrir nos forces et nos vulnérabilités, accueillir tous ses aspects, concilier le rationnel et la sensibilité, qui sont structure et finesse, subtilité. En rétablissant cette intégrité, en embrassant l’entièreté de qui nous sommes, alors nous gagnons en sécurité intérieure. Moins vulnérable, nous devenons capable de plus d’ouverture au monde. Cette assise est un fondement majeur nous permettant d’oser l’affirmation de soi dans le respect d’autrui.
